L’employeur est tenu vis à vis de ses salariés d’une obligation de sécurité en vertu de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne mais aussi de l’article L4121-1 du Code du travail.
Cette obligation de sécurité est une obligation de résultat (Cass. Soc. 28 février 2002 n°99-17.201, n°00-13.181, n°00-13.174 …).
En d’autres termes, l’échec à la sécurité du salarié au travail n’est pas concevable.
L’employeur est responsable de la santé et la sécurité au travail du salarié qui ne doivent pas être altérées.
Il est donc tenu à une obligation de prévention et peut être sanctionné si la santé ou la sécurité du salarié ont été affectées.
Pourtant, stress, épuisement professionnel ou cynisme au travail sont autant de conséquences des relations de travail aujourd’hui.
Plus communément appelé « burnout », ce terme ne fait pas l’objet d’une définition juridique claire et précise.
Mais nombreux sont les exemples de salariés exténués, victime d’une véritable souffrance au travail.
Le droit devait alors rattraper la pratique et permettre aux salariés la reconnaissance du caractère professionnel de toutes leurs lésions psychiques consécutives aux relations de travail.
Première étape, l’accident du travail…
La Cour de cassation considère qu’une dépression sévère consécutive à un entretien d’évaluation peut être considéré comme un accident du travail (Cass. 2ème civ. 1er juillet 2003, n°02-30.576). En effet, le critère de la date certaine, nécessaire à la qualification, a été approuvé.
Autre critère : celui du lien de causalité entre l’accident et le travail. Ce dernier est admis, par exemple, entre la rupture d’anévrisme d’un salarié qui se rend au travail et le stress dû à sa reprise d’activité professionnelle (Cass.2ème civ. 5 juin 2008, n°07-14.150).
Exemple plus dramatique, la jurisprudence admet que la tentative de suicide d’un salarié à son domicile puisse être qualifié en accident du travail. La preuve du lien de causalité doit cependant être apportée.(Cass.2ème civ. 22 février 2007 n°05-13.771).
Très récemment, la Cour de cassation a limité ce critère du lien de causalité, en considérant que ne pouvait pas être qualifié d’accident du travail, le suicide d’un salarié intervenu plus de dix ans après les faits invoqués dans la relation de travail (Cass.2ème civ, 22 janvier 2015 n°13-28.368). La cause du suicide étant temporellement trop lointaine de l’acte de désespoir du salarié.
Nouveau critère ou simple atténuation du celui du lien de causalité ? Le doute est permis…
Deuxième étape, la maladie professionnelle…
L’article L461-1 du code de la Sécurité sociale dispose qu’«est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. »
A défaut, un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) peut reconnaître une maladie professionnelle à la condition qu’elle ait un lien direct avec les conditions de travail.
S’agissant des maladies psychiques, il était possible de tenter une reconnaissance de maladie professionnelle devant un CRRMP. Mais cela nécessitait une adaptation au vue de la complexité des dossiers. Une circulaire de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAMTS) du 12 juin 2014 a donc précisé que pour ces dossiers, le comité devait disposer de document du médecin-conseil de l’organisme de sécurité sociale, de l’enquête administrative, mais aussi de tout autre documents probants émanant du salarié, de l’employeur et du médecin du travail.
Cependant, et comme toutes les autres maladies, la victime devait attester d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 25%. Impossible à déterminer pour une pathologie psychique !
Début du feuilleton législatif, fin mai 2015, un amendement au projet de loi sur le dialogue social est adopté. Il prévoit, à l’article L461-1, que «les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle dans les conditions prévues aux quatrième et cinquième alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.»
Premier pas dans la reconnaissance du burnout, ce n’est pourtant qu’une reconnaissance en demi-teinte.
En effet, la création d’un tableau spécifique pour les maladies psychiques est toujours «en réflexion ». Il permettrait pourtant une reconnaissance systématique du burnout.
De plus, les difficultés dans la reconnaissance d’une maladie professionnelle « psychique » résident dans l’impossibilité de quantifier l’épuisement du salarié. 25%, 23% ou 17% d’incapacité permanente ? Comment mesurer ? Le gouvernement renvoyait ici à de futurs textes réglementaires.
Malgré ces incertitudes, le texte promettait au moins une réelle considération des maladies psychiques du travail.
Pourtant, le 10 juin 2015, les sénateurs ont supprimé l’amendement en question, considérant que l’épuisement professionnel pouvait avoir pour origine la vie professionnelle mais aussi personnelle voire les deux.
Ces modifications seront discutées puis votées le 30 juin par le Sénat, avant d’être renvoyées devant l’Assemblée Nationale pendant l’été …
Gardons l’espoir que la reconnaissance en maladie professionnelle du burnout, qui est une réalité malheureusement, objective et destructrice pour tout salarié concerné, finisse enfin par aboutir.
A défaut, d’autres solutions déjà mises en œuvre dans nos cabinets pour mettre un terme à une souffrance au travail et une relation de travail destructrice et toxique existent et portent leur fruits…
Maître Sandrine PARIS
Avocat au barreau de Nantes
Perrine ALBERT
Master II DPRT Promotion UIMM 2014-2015