Par un arrêt du 4 novembre 2015 ( cass.soc.4 nov. 2015 n°14-11879) la Cour de Cassation vient de rendre une décision extrêmement courte mais néanmoins fort intéressante en droit du travail, au visa de l’article L1226-2 du Code du travail, sur le moment de l’obligation de recherche de reclassement de l’employeur en cas d’inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnels.
En application des dispositions de l’article L1226-2 du Code du travail « lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par la médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail ».
Pour mémoire, on rappellera que l’inaptitude du salarié à son poste de travail, au terme des dispositions de l’article R4624-31 du Code du travail, ne peut être constatée que par le médecin du travail :
– après une étude du poste dudit salarié,
– une étude des conditions de travail dans l’entreprise,
– deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires,
A titre d’exception, l’alinéa 5 de l’article R4224-31 du code du travail dispose que, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé, sa sécurité ou celle d’un tiers ou lorsqu’un examen de préreprise à eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivrée en un seul examen.
En l’espèce, une salariée a été engagée par la société Cabinet DOLEANS en qualité de secrétaire de direction et a été déclarée inapte par le médecin du travail à l’issue de deux visites médicales des 1er et 15 avril 2010.
La salariée a été convoquée le 15 avril 2010 à un entretien préalable à son licenciement puis licenciée le 7 mai 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La salariée a saisi la juridiction prud’homale en vue de l’obtention de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a obtenu gain de cause par le Conseil de Prud’hommes puis a été déboutée par la Cour d’Appel de Paris par un arrêt du infirmatif du 5 décembre 2013.
Elle a alors formé un pourvoi au moyen que :
– l’inaptitude du salarié n’est acquise qu’après le second examen médical de reprise et que, seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la deuxième visite médicale peuvent être prises en considération pour apprécier si l’employeur à respecter son obligation de reclassement.
– que l’employeur est tenu de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformation de poste ou aménagement du temps de travail, l’employeur devant justifier qu’il a effectué des démarches précises en ce sens.
– que le jugement du Conseil de Prud’hommes avait relevé que la décision de licencier était préétablie ainsi qu’il ressort de la chronologie des faits, moyen auquel n’a pas répondu la Cour d’Appel.
– que le reclassement doit être recherché en fonction des indications formulées par le médecin du travail et qu’il n’appartient, ni à l’employeur, ni au juge du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail.
– enfin, qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de l’impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte et qu’en relevant que la salariée ne donnait aucun exemple de fonction qu’elle aurait été susceptible d’occuper dans l’entreprise pour retenir qu’il n’apparaissait que l’employeur ait manqué à son obligation de reclassement, la Cour d’Appel a inversé la charge de la preuve.
Les moyens de la salariée étaient tout aussi fondés les uns que les autres.
Ces moyens s’appuyaient sur les textes précisément précités et rarement appliqués à la lettre par les juridictions du fond.
La Cour de Cassation par une solution extrêmement claire et concise confirme sa jurisprudence antérieure dans cet arrêt du 4 novembre 2015 et casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris.
En effet, la Cour de Cassation affirme, au visa de l’article L1226-2 du Code du travail :
« attendu cependant que, seules, les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise, peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’il ressortait de ses constatations, que l’employeur n’avait pas recherché de possibilité de reclassement postérieurement au second avis d’inaptitude, la Cour d’Appel a violé le texte susvisé. »
La Cour de Cassation a, depuis 2008, posé les jalons de cette solution.
Déjà, la Chambre sociale de la Cour de Cassation considérait que la brièveté du délai entre l’avis d’inaptitude et l’engagement de la procédure de licenciement pouvait démontrer l’absence de tentative sérieuse de reclassement (Cass.Soc 24 avr 2013 n° 12-13.571 ; Cass. Soc 15 oct 2014 n° 13-23.099).
Le manquement à l’obligation de recherche de reclassement étant notamment caractérisé dès lors que l’employeur conclut à l’impossibilité de reclassement du salarié dès le lendemain du second examen médical (Cass. Soc 26 nov 2008 n° 07-44.061 ; Cass. Soc 13 juin 2012 n° 11-14.735).
En conséquence, rappel est fait par la Chambre sociale de la Cour de Cassation de ce que l’obligation de recherche de reclassement dure a minima jusqu’à la notification du licenciement et en tout état de cause DOIT se poursuivre après la première visite auprès du médecin du travail.
Force est donc de constater que tous les licenciements fondés sur une inaptitude physique et impossibilité de reclassement dans lesquels l’employeur n’a pas cherché de reclassement au delà de la première visite sont dénués de cause réelle et sérieuse.
De tels licenciements ouvrent droit pour le salarié, à condamnation de l’employeur à dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions des articles 1235-3 et 1235-5 du Code du travail.
Références arrêt:
Cour de cassation, chambre sociale
Audience publique du mercredi 4 novembre 2015 N° de pourvoi: 14-11879
Par Maître Sandrine PARIS
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