Nombre de salariés licenciés ont peur et s’interrogent: la Loi Macron va t’elle réduire leurs indemnités devant le conseil de prud’hommes?
Une justice plus prévisible… Tel était l’objectif de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi Macron.
Cette Loi a un objectif et un seul: répondre au besoin de sécurité juridique des entreprises.
Les entreprises réclament en effet régulièrement un plafonnement des indemnités octroyées aux salariés par la juridiction prud’homale.
Et pour cause, provisionner deviendrait plus aisé et contourner la législation du travail serait plus sûr dès lors que les conséquences à savoir les sanctions par la juridiction prud’homales des manquements de l’employeur serait connues par avance.
Un véritable « shopping » des violations des obligations de l’employeur s’opérerait aisément en fonction du risque prud’homal, en d’autres termes du coût que cela entraînerait pour l’entreprise de manquer à telle ou à telle de ses obligations.
Actuellement, deux articles du code du travail fixent un « plancher » de dommages intérêts que doit percevoir le salarié en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes.
Précisément, en cas d’ancienneté du salarié supérieure à 2 ans dans une entreprise de plus de 11 salariés, l’article L1235-3 du Code du travail prévoit que » l’indemnité à la charge de l’employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ».
Dans le cas contraire, lorsque le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté ou que l’entreprise a moins de 11 salariés, l’article L1235-5 du Code du travail dispose qu' »en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ».
Sous réserve du respect de ces deux articles, le juge prud’homal est actuellement libre de fixer les dommages intérêts qu’il estime réparer le préjudice subi par le salarié du fait de son licenciement abusif.
Ainsi, selon chaque dossier, les dommages intérêts sont différents.
Entre actuellement en ligne de compte, le salaire mensuel moyen du salarié qui sert de base au calcul des dommages intérêts et des paramètres comme l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ou encore l’âge du salarié,son état de vulnérabilité ou son préjudice particulier.
A salaire mensuel de référence égal, un salarié ayant une ancienneté de 30 ans dans l’entreprise, licencié à l’âge de 56 ans a ainsi plus de chances d’obtenir des dommages intérêts supérieurs à ceux d’un salarié de 24 ans totalisant une ancienneté de 3 ans.
Toutefois, une première brèche a été ouverte par la loi du 14 juin 2013, le conseil de prud’hommes doit depuis lors, justifier du montant des indemnités qu’il octroie et un barème a été fixé en conciliation, la première phase du procès prud’homal.
En effet, pour être synthétiques, sauf cas particuliers, un procès prud’homal se fait en 2 phases obligatoires:
– une audience de conciliation où les parties sont censées tenter un rapprochement
– une audience de jugement où le dossier est plaidé
1.La conciliation, première étape de l’action prud’homale
Depuis la Loi du 14 juin 2013, il y a, en conciliation, la possibilité de s’appuyer sur un barème forfaitaire d’indemnités allouées aux salariés.
Fort heureusement, ce sont les parties qui décident conjointement de l’application, ou non, du barème.
Ainsi, seulement si le salarié le souhaite, cette indemnité répare l’ensemble des préjudices.
Cette indemnité est soumise au régime fiscal et social des dommages-intérêts.
Ce « prix » se calcule en fonction de l’ancienneté du salarié.
L’article D1235-21 du Code du travail énonce le montant des indemnités allouées au salarié:
– entre zéro et deux ans d’ancienneté, deux mois de salaire
– entre deux et huit ans d’ancienneté, quatre mois de salaire
– entre huit et quinze ans d’ancienneté, huit mois de salaire
– entre quinze et vingt-cinq ans d’ancienneté, 10 mois de salaire
– au delà de vingt-cinq ans d’ancienneté, 14 mois de salaire
Aujourd’hui, cette disposition ne s’applique qu’en conciliation et n’est, il est indispensable de le rappeler, que facultative.
Au demeurant, la pratique devant les conseils de prud’hommes montrent que ce barème est très peu usité, les parties ne se mettant que très rarement d’accord sur une conciliation.
2.De nouvelles dispositions prévues en bureau de jugement par la loi MACRON:
Concernant les dommages-intérêts octroyés aux salariés au titre de leur licenciement, la loi MACRON va considérablement modifier la donne actuelle.
Il est impératif de relever que les nouvelles dispositions ne visent que l’indemnisation relative au licenciement et uniquement au licenciement.
De facto, toutes les autres demandes ( dommages intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, de loyauté, harcèlement moral etc.) ne sont pas concernées par ces plafonds.
Il est également impératif de noter qu’ a priori, les procédures en cours à l’heure actuelle et, par conséquent, antérieures à la promulgation de la loi ne seront pas affectées par ces nouveaux plafonds qui ne leur seront pas applicables.
Ces nouvelles indemnités ne seront en effet applicables qu’aux litiges prud’homaux postérieurs à la promulgation de la loi MACRON.
Le nouvel article L1235-3 va être rédigé comme suit :
« Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur définie conformément aux montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau du troisième alinéa et exprimés en mois de salaire :
L’indemnité varie selon l’effectif de l’entreprise et l’ancienneté du salarié:
Moins de 20 salariés:
Ancienneté du salarié dans l’entreprise:
Moins de 2 ans Maximum : 3 mois
De 2 ans à moins de 10 ans: Minimum : 2 mois Maximum : 6 mois
10 ans et plus: Minimum : 2 mois, Maximum : 12 mois
Entre 20 et 299 salariés
Ancienneté du salarié dans l’entreprise:
Moins de 2 ans: Maximum : 4 mois
De 2 ans à moins de 10 ans:Minimum : 4 mois, Maximum : 10 mois
10 ans et plus: Minimum : 4 mois , Maximum : 20 mois
À partir de 300 salariés
Ancienneté du salarié dans l’entreprise:
Moins de 2 ans: Maximum : 4 mois
De 2 ans à moins de 10 ans: Minimum : 6 mois , Maximum : 12 mois
10 ans et plus: Minimum : 6 mois, Maximum : 27 mois
«L’indemnité est due sans préjudice, le cas échéant, des indemnités de licenciement légales, conventionnelles ou contractuelles.»
Ce tableau s’appliquera aussi pour les salariés prenant acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de l’employeur en application du nouvel article L1253-3-1.
Ainsi dès lors que le licenciement sera requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge ne pourra plus fixer librement l’indemnité du salarié.
Il sera soumis aux dispositions du tableau ce qui limitera considérablement son pouvoir souverain et l’appréciation au cas par cas des demandes des salariés.
On remarquera également que les 6 mois de salaires minimaux de l’ancien article L1253-3 ne s’appliqueront plus pour les salariés d’entreprises comptant moins de 299 salariés et que les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté n’auront plus, que peu d’intérêt, à saisir la juridiction prud’homale d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisqu’ils obtiendront, au maximum, 3 à 4 mois de salaire selon la taille de l’entreprise…
Cependant et heureusement, le juge pourra fixer une indemnité d’un montant supérieur en cas de faute de l’employeur d’une « particulière gravité » caractérisée selon les propres termes du nouvel art L1235-3-2 :
– par des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L.1152-3 et L.1153-4
– par un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues à l’article L.1134-4 ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans les conditions mentionnées à l’article L.1144-3 ou en matière de corruption dans les conditions prévues à l’article L.1161-1
– par la violation de l’exercice du droit de grève dans les conditions mentionnées à l’article L.2511-1 ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé dans les conditions mentionnées à l’article L.2422-1
– par la violation de la protection dont bénéficient certains salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1225-71, L.1226-13 et L.1226-15
– par l’atteinte à une liberté fondamentale
De même, ce tableau s’appliquera sans préjudice des règles applicables aux cas de nullité du licenciement économique, non respect des procédures de consultation ou d’information, non respect de la priorité de réembauche, d’absence de mise en place des institutions représentatives du personnel, d’absence de décision relative à un plan de sauvegarde de l’emploi.
Certains parlementaires ont déjà émis leur volonté de saisir le Conseil Constitutionnel sur l’ensemble de la loi. Une telle différence de traitement entre les salariés ne pourrait-elle pas constituer une rupture d’égalité, censurable par le Conseil Constitutionnel ?
Malgré l’opposition du syndicat des avocats de France (SAF), du syndicat de la magistrature (SM), les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, CFE-CGC et l’UNSA par le biais d’une pétition, le Premier Ministre vient d’annoncer qu’il souhaitait recourir à l’article 49-3 afin de faire adopter la loi MACRON.
Par Sandrine Paris
Avocat au barreau de Nantes
Perrine ALBERT
Master II DPRT Promotion UIMM 2014-2015
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