Qui n’a pas rêvé de travailler chaussons aux pieds, dans son intérieur douillet, sans présentéisme jusqu’à 20h pour être bien vu,,sans supérieur hiérarchique pour contrôler le nombre de pauses café, chronométrer les pauses pipi, vérifier si vous êtes bien présent à votre bureau à 9h et non 9h05?
Le télétravail est sans doute l’une des alternatives au travail tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, tant pour les salariés à la recherche d’une vie sereine mêlant travail et vie personnelle sans que l’un vienne obérer l’autre, que pour les employeurs désireux d’avoir des salariés heureux et équilibrés donc productifs…
A ce jour, le télétravail, aisé à mettre en place, est néanmoins soumis à certaines conditions légales.
Qui concerne t’il? Comment le mettre en place? L’objet de cet article est de répondre à ces interrogations en espérant un développement de cette forme de travail plus souple et épanouissante pour bon nombre de salariés et d’employeurs, que la forme traditionnelle du travail au sein de l’entreprise.
L’article L1222-9 dispose :
« Sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des dispositions du présent code protégeant les travailleurs à domicile, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication dans le cadre d’un contrat de travail ou d’un avenant à celui-ci.
Le télétravailleur désigne toute personne salariée de l’entreprise qui effectue, dès l’embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au premier alinéa.
Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.
Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail.
A défaut d’accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail. »
Le Code du travail, aux articles L1222-9 et suivants, précise les conditions relatives au télétravail dans le secteur privé.
En outre, si l’entreprise concernée est adhérente au MEDEF, à la CGPME ou à l’UPA, l’ANI du 19 juillet 2005 sur le télétravail s’applique directement.
A- Les travailleurs concernés
« Le télétravailleur désigne toute personne salariée de l’entreprise, qui effectue, dès l’embauche, soit ultérieurement, du télétravail tel que défini au premier alinéa de l’article L1222-9 ».
Sont généralement concernés, les salariés qui travaillent de manière autonome (métiers supports, spécialistes de l’information, employés de bureau …).
Soit l’employeur et le salarié conviennent du télétravail dès l’embauche, soit cette organisation est mise en place par la suite.
Si la demande émane du salarié :
– l’employeur peut refuser (une décision motivée doit être transmise au salarié)
– l’employeur peut accepter
Si la demande émane de l’employeur :
– le salarié peut refuser (ce n’est pas un motif de rupture du contrat de travail – L1222-9 al.3) et si l’employeur lui impose, cela constitue une modification unilatérale du contrat de travail autorisant le salarié à prendre acte de la rupture (Cass. Soc. 2 octobre 2001 n°99-42.727)
– le salarié peut accepter
Si les deux parties sont d’accord, un avenant au contrat de travail prévoyant le télé-travail peut être signé.
B- Mettre en place le télétravail
1- Au niveau de l’entreprise
Le CE (à défaut les DP) est informé et consulté sur l’introduction du télétravail dans l’entreprise (L2323-6). L’avis du CHSCT est également requis. (L4612-8)
Un accord collectif de branche ou d’entreprise n’est pas forcément obligatoire, mais recommandé cependant, dès lors que l’entreprise souhaite étendre ce dispositif à un nombre important de salariés.
Il permet d’encadrer le télétravail et de l’adapter aux besoins de l’entreprise (conditions d’éligibilité, modalités de la demande, période d’adaptation …)
2- Au niveau du salarié
Préalablement, l’employeur (selon l’ANI précité) doit fournir aux salariés concernés les informations relatives aux conditions d’exécution du travail (liaison avec l’entreprise, rattachement hiérarchique …).
Au niveau du contrat de travail, il convient de distinguer deux hypothèses :
– lorsque le télétravail est prévu dès l’embauche du salarié : celui-ci doit être inscrit dans le contrat de travail. C’est un élément contractuel, l’employeur devra donc, pour le modifier, demander l’accord du salarié.
– lorsque le télétravail est prévu après l’embauche du salarié : l’employeur doit prévoir un avenant au contrat de travail.
Ce dernier précisera « les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail » (L1222-9 al.4),
« les plages horaires durant lesquelles l’employeur pourra habituellement le contacter » (L1222-10 5°), en effet, le salarié est en droit, en dehors de ces heures, de ne pas répondre à un appel de son employeur sur son portable, quelle que soit l’urgence (Cass. Soc. 17 février 2004 n°01-45.889),
« les modalités de contrôle du temps de travail, à défaut d’accord collectif applicable » (L1222-9 al.5).
Une période d’adaptation peut être aménagée, pendant laquelle chacune des parties peut mettre fin à l’organisation du travail (moyennant un délai de prévenance).
3- Quelle forme pour le télétravail ?
Le télétravail peut revêtir plusieurs formes :
– télétravail à domicile c’est-à-dire que le salarié exécute son travail à son domicile avec un matériel mis à sa disposition par son employeur.
Le télétravail peut se réaliser, en tout ou partie, au domicile du salarié (Cass. Soc. 29 novembre 2007 n°06-43524).
– télétravail alterné c’est-à-dire que le salarié exécute son travail à son domicile et sur son lieu de travail alternativement.
– télétravail en centre de proximité c’est-à-dire que le salarié travaille dans des bureaux disposant d’équipements informatiques et de télécommunication proposés par son employeur.
– travail nomade c’est-à-dire que tout en conservant un poste de travail physique au sein de l’entreprise, le salarié utilise les technologies de l’information et les outils de travail mobiles pour travailler depuis n’importe quel lieu.
C- La relation de télétravail
L’article L1222-10 dispose :
« Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail :
1° de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci
2° d’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions
3° de lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature
4° d’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.liaison
5° de fixer, en concertation avec lui, les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter. »
Si le travailleur utilise son propre équipement, l’employeur devra donc en assurer l’adaptation et l’entretien. A contrario, l’employeur peut fournir au salarié les équipements nécessaires, cependant il devra, là aussi, installer et entretenir ces derniers.
Il est recommandé d’inscrire dans l’avenant au contrat de travail la liste des équipements nécessaires, leur usage, le remboursement des frais etc…
Si le salarié exerce, à son domicile, son activité professionnelle, l’employeur devra lui verser une contrepartie financière (Cass. Soc. 7 avril 2010, n°08-44865).
Celle-ci est fixée en fonction de la part des frais fixes et variables supporté par le salarié au titre de son usage professionnel.
S’agissant des frais engagés par le salarié, si ce sont des charges inhérentes à la fonction ou à l’emploi, ils seront remboursés par l’employeur (frais d’adaptation d’un local, frais de connexion…).
L’utilisation permanente des matériaux mis à disposition par l’employeur à des fins privés constitue un avantage en nature.
1- Le contrôle du télétravailleur
Si l’employeur met en place un dispositif de surveillance, celui-ci devra être pertinent et proportionné à l’objectif poursuivi.
Le CE devra être informé et consulté tout comme le salarié contrôlé.
En outre, l’employeur devra organiser un entretien annuel portant notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail. (L1222-10 4°). Il devra aussi veiller au respect des dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail (durée du travail, respect des repos quotidiens et hebdomadaires …).
En effet, le télétravailleur peut réclamer des heures supplémentaires. Il devra donc faire un décompte de ses heures que l’employeur vérifiera.
Compte-tenu de l’autonomie du salarié, un forfait annuel en jours peut être recommandé.
2- Les droits du télétravailleur
Le télétravailleur a les mêmes droits collectifs que les autres salariés (éligibilité, pris en compte dans les effectifs, accords collectifs…).
Il a les mêmes droits à la formation et est soumis au même régime de protection sociale.
D- La fin du télétravail
Le Code du travail ne prévoit qu’une simple priorité de reprise d’un poste sans télétravail.
Ainsi, l’employeur et le salarié doivent se mettre d’accord sur les conditions d’un retour à un poste sans télétravail (L1222-9) dès la signature de l’avenant. En effet, le passage en télétravail doit être réversible.
Maître Sandrine PARIS
Avocat au barreau de Nantes
Perrine ALBERT
Master II DPRT Promotion UIMM 2014-2015