Par deux arrêts en date du 22 octobre 2015, la Chambre sociale de la Cour de Cassation rappelle la définition de la faute lourde du salarié: en substance, sans volonté de nuire, pas de faute lourde du salarié .
Plus grave que la faute grave, la faute lourde est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis caractérisée, en outre, par l’intention de nuire dudit salarié.
Pour mémoire, on rappellera qu’en matière disciplinaire, le salarié peut être licencié pour cause réelle et sérieuse, faute grave ou faute lourde, selon le degré de gravité des faits fautifs qu’il aurait commis.
Les conséquences financières, au moment de la rupture, sont fonction de la qualification des faits dans la lettre de licenciement, qualification choisie par l’employeur.
Le salarié licencié pour cause réelle et sérieuse bénéficie de ce fait, au titre des dispositions de l’article L 1234-1 et L 1234-9 de son indemnité compensatrice de préavis ainsi que de son indemnité de licenciement, s’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur ainsi que de son indemnité compensatrice de congés payés.
Si en revanche, le salarié est licencié pour faute grave, il ne bénéfice ni de son indemnité compensatrice de préavis, ni de son indemnité de licenciement en application de ces mêmes articles L 1234-1 et L 1234-9 du Code du travail.
La faute grave, non définie par les textes mais exclusivement de manière prétorienne par la Cour de cassation est » la faute qui est d’une gravité telle, qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis ».
Le dernier degré de gravité, en matière de licenciement disciplinaire, est la faute lourde.
De manière caricaturale, la faute lourde est la faute grave » avec intention de nuire à l’entreprise ou aux intérêts de l’entreprise, de la part du salarié ».
Cette jurisprudence n’est pas nouvelle.
Déjà, la Chambre sociale de la Cour de Cassation, le 29 novembre 1990, indiquait « la faute lourde n’est caractérisée que lorsqu’est relevée l’intention de nuire au salarié vis-à-vis de l’employeur ou de l’entreprise (Cass. Soc 29 nov 1990) ».
La Cour de Cassation n’a cessé depuis lors de répéter que la faute lourde nécessitait l’intention de nuire du salarié, à défaut de laquelle, la faute lourde n’était pas caractérisée (Cass. Soc. 26 avr 1992 ; Cass. Soc. 28 nov 2001 ; Cass. Soc. 18 nov 2003 ; Cass. Soc. 10 oct. 2007 ; Cass. Soc. 29 avr 2009).
Néanmoins, la Cour de Cassation a tout de même précisé sa jurisprudence en indiquant « si les faits reprochés au salarié comporte un élément intentionnel, celui-ci n’implique pas, par lui-même, l’intention de nuire à l’employeur » (Cass. Soc. 03 oct. 2000).
Par deux arrêts de cassation rendus le 22 octobre 2015 par la Chambre sociale de la Cour de Cassation, la Cour rappelle une fois de plus que la faute lourde suppose de la part du salarié l’intention de nuire à l’entreprise.
L’intérêt de ces deux décisions de la Haute Cour réside dans la suite de la solution rendue à savoir qu' »il ne suffit pas qu’un préjudice soit constaté à l’encontre de l’entreprise, encore faut-il que l’élément intentionnel soit établi ».
En d’autres termes, la Cour de Cassation a tenu à recadrer la définition de la faute lourde et notamment à préciser ce qu’était entendu par « intention de nuire ».
La Cour de Cassation, dans une explication de texte fort claire, précise qu’il faut entendre par intention de nuire la « volonté » de nuire du salarié.
Par cette substitution de terme « volonté » en lieu et place de « intention » la Cour de Cassation espère ainsi mettre un terme à une confusion largement admise et à une profusion d’arrêts de Cours d’Appel en tous sens, relatifs à cette « intention de nuire « qui doit être vu exclusivement par les juges du fond par la « volonté » de nuire du salarié à l’entreprise.
En conclusion, le seul préjudice causé par le salarié qui a par exemple, comme dans les faits de la première espèce, détourné pour son compte personnel la somme de 60 000 € ne caractérise pas la « volonté de nuire du salarié ».
On rappellera en effet, à toutes fins utiles, que le salarié licencié pour faute lourde n’a en effet droit, ni à l’indemnité compensatrice de préavis, ni à l’indemnité de licenciement, ni à son indemnité compensatrice de congés payés.
Très rares sont les fautes commises par des salariés qui constituent véritablement une faute lourde où la volonté du salarié de nuire à l’entreprise ou à l’employeur est démontrée par l’employeur.
On rappellera en effet que la charge de la preuve pesant en effet exclusivement sur ce dernier.
Enfin, pour éradiquer une légende urbaine, les salariés licenciés pour faute lourde, comme pour faute grave au demeurant, ont droit aux allocations chômage versées par pôle emploi ( Règlement art 2 et 4, Circ. 2014-26 du 30 sept 2014 n°6.1.3.1)
Références : Cass. Soc. 22 oct. 2015 n° 14-11.291 ; Cass. Soc. 22 oct. 2015 n° 14-11.801
Par Maître Sandrine PARIS
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